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J’ai décroché…….et après ?

Quand le théâtre s’en mêle….

Pour en parler, questionner, faire prendre conscience et explorer des solutions aux effets

du décrochage, des jeunes adolescents de l’association ADO+[1]  touchés par l’ampleur du phénomène, ont choisi d’avoir recours aux pratiques théâtrales en appui à un processus de traitement et de sensibilisation plus inclusif développé par le Ministère de l’Education et l’UNICEF pour lutter contre l’échec et l’abandon scolaires.

La pièce est écrite, interprétée et mise en scène par les adolescents.  Le texte est en partie inspiré du vécu de certains de leurs camardes qui ont arrêté leur scolarité ou envisagent de le faire et adapté au contexte de chaque région visitée et relié à la réalité concrète des gens. 

L’objectif est d’amener les publics, élèves, enseignants, parents, éducateurs à réfléchir, débattre, écouter les points de vue de chacun et surtout évoluer dans ses comportement sur la thématique du décrochage scolaire. La jeune troupe, sillonne les routes pour contribuer à la lutte contre l’abandon scolaire et faire connaître l’initiative « l’école récupère ses enfants à ceux et celles qui ont déjà franchi le pas.

Nul besoin d’avoir un grand théâtre avec rideau, portes capitonnées et fauteuils rouges ; dans toutes les régions visitées,  la pièce « mes études…j’y tiens» a pris place dans des maisons de jeunes, des centres culturels, et même en plein air. Elle explore différents parcours  du décrocheur : par envie de vivre la grande vie, pour dysfonctionnement familial ou pour d’autres raisons  qui tracent le chemin de chaque adolescent/adolescente.

Les jeunes acteurs, tous des amateurs, sont  suffisamment convaincants pour que le public y croit et soit attentif à ce qui se déroule sur  scène et qu'une discussion profonde et féconde naisse après chaque représentation, où se mêlent analyse, colère, révolte et témoignages percutants d’adolescents et leur décryptage.

 «Ce sont de telles initiatives qui  interpellent et contribuent à faire changer les attitudes, les modes de fonctionnement concernant le décrochage scolaire », nous dit une responsable du Ministère de l’éducation.

Selon Mohsen, éducateur, « Cette  approche « entre-pairs » renvoie une émotion que les jeunes  saisissent. Elle vaut tous les discours moralisateurs des adultes. » Sur ce chapitre, il a vu juste. Des retours à l’école ont été enregistrés dans les régions où la pièce est passée.

« Le sujet est profond. Ça se passe partout, il faut en parler » nous confie Sabiha, maman de trois enfants. ‘Tous scolarisés… pour le moment» ajoute-t-elle.

La participation du public constitue la véritable conclusion du spectacle et les discussions timides au début s’enflamment au fur et à mesure que les avis sont partagés et les divergences exposées sur les raisons du phénomène de l’abandon scolaire.

Ça sert à quoi l’école…. 

Aymen, 17 ans a décroché depuis 2 ans. Il  nous avoue qu’il n’aime pas son école, ses enseignants, les contenus qui lui sont enseignés, la manière par laquelle on les lui enseigne ainsi de suite. Louaye  16 ans a décroché d’une autre manière sans que personne ne s’aperçoive. Il nous  parle de son incapacité à se concentrer sur son apprentissage….

D’autres évoquent les inégalités sociales,  la discrimination, le manque de communication entre parents et enfants, entre élèves et enseignants…. Chacun de ces jeunes a un parcours et un vécu différents mais leur point commun est d’avoir un problème avec le système éducatif.

 «Les choses ne sont pas aussi simples » rétorque  un « éducateur » qui tient le jeune pour responsable en grande partie.  « Son décrochage est souvent  le résultat de son manque d’implication, de son incapacité à respecter les règles de l’institution…voire même d’une prédisposition au décrochage ! »

Pourtant 100 000 enfants vivent l’abandon scolaire. Mais la statistique ne révèle pas combien de ces enfants se retrouvent dans la délinquance, le banditisme, l’immigration clandestine, le terrorisme … Et il n’existe pas de chiffres pour mesurer la souffrance et les difficultés de ces enfants » nous dit le Délégué à la protection de l’enfance de Gabès.

« L’école est dans l’incapacité d’expliquer aux enfants  en quoi elle est utile pour eux » analyse Mohamed, intervenant social, qui remet tout en cause, l’école, les parents qu’il considère comme les premiers responsables du décrochage de leurs enfants. Leila, 20 ans, étudiante, originaire de la région de Jendouba premier fournisseur d’enfants-domestiques, nous raconte avec beaucoup d’émotion son combat pour rester à l’école. Ses parents, pauvres, voulaient l’envoyer travailler pour subvenir aux besoins de la famille  « Je me suis battue pour le droit à un avenir meilleur ! » souligne-t-elle.

Demain….. J’ai école

Pour Zina, qui a décidé de « décrocher » des stéréotypes de toutes sortes concernant les décrocheurs a, avec d’autres associations développé un projet qui s’ouvre à la réalité des enfants décrocheurs.  Certes, les alternatives proposées restent limitées pour les élèves en grandes difficultés qui se retrouvent dans une sorte de « vide ». Ce vide, Zina et d’autres jeunes ont décidé d’agir pour le combler. L‘action se veut préventive allant de l’embellissement des écoles pour les rendre plus attractives, à la proposition de services d’accompagnement éducatif et scolaire. A chacun de ses passages,  la pièce de théâtre a permis le  renforcement et/ou la construction de partenariat et d’alliances pour des projets de maintien des liens avec l’école ou de  re-scolarisation.

La pièce a également permis de créer une prise de conscience de la marginalisation que peut vivre un élève qui décroche et que le décrochage n’est pas juste une question d’école mais que cela peut toucher les relations familiales, sociales, …Lorsque l’adolescent décrocheur incarné par l’acteur principal se retrouve seul sans trop savoir quoi faire de son temps alors que tous ses amis sont à l’école, se tourne vers les spectateurs et leur dit « j’ai décroché et après ? Qu’est-ce que je fais maintenant ? Je retourne à l’école ? Toute la salle y compris Wael, répond  d’une seule voix « Oui ! »           


[1] Créée en 2011, l'association "Ado Plus" se propose de créer pour les adolescents et adolescentes (de 13 à 18 ans) des espaces d’expression, de convivialité et de proposition afin de renforcer leur participation à la vie culturelle et sociale de façon significative et positive. C'est une association qui a pour but de développer les compétences civiques et culturelles des adolescents.

 

 

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